La nuit passée, la terre a de nouveau tremblé en Valais, une fois de plus ! Et pas qu’une fois, puisque ce sont deux tremblements de terre simultanés qui ont affecté le Bas-Valais ce jeudi 23 août 2018 à 2h09 du matin. Le premier à Dorénaz, avec une secousse de 3,2 sur l’échelle de Richter, à une profondeur de 6,8 km, et le second à Fully où l’on a enregistré au même moment une secousse de 2,9 à une profondeur de 10,3 km.
Les deux épicentres ne sont distants que de quelques kilomètres et ont eu lieu sous la crête qui sépare Dorénaz de Fully. Rien d’étonnant à cela car le sous-sol de cette crête serait un véritable gruyère selon la tradition populaire. On prétend en effet, dans la région, que le Diable y aurait jadis foré une mine gigantesque qui se ramifie sous la montagne en un affreux dédale de sombres galeries qui s’enfoncent profondément au cœur de la terre. Certaines de ces galeries communiqueraient même avec l’entrée souterraine des Enfers. Dissimulés sous la montagne, des milliers de cohortes de petits diables noirs armés de pics et de bâtons à feu y creuseraient sans relâche le roc dans la pénombre et une chaleur étouffante, pour étendre le Royaume des Ombres. Le réseau de galerie serait si étendu que les déblais seraient transportés et évacués par des trains entiers de wagonnets chauffés à blanc, poussés par de sinistres silhouettes noires et cornues vomies par l’Enfer, pauvres hères aux mains couvertes de cloques.
Selon les dires des Anciens, Lucifer entretiendrait dans les profondeurs de la mine de vastes forges rougeoyantes, alimentées directement par des remontées de magma en fusion, dans lesquels de petits diablotins plongeraient nuit et jour les outils de la mine pour les retremper et les reforger. Car cette entreprise a un but bien précis : exploiter un gigantesque filon d’or étincelant qui traverserait la montagne de part en part et qui serait si énorme que le Diable exploite la mine depuis des siècles sans jamais l’épuiser. Cet or servirait au Malin à corrompre les hommes, et comme ceux-ci sont cupides, il en faut sans cesse plus... L’existence de cet or ne fait absolument aucun doute car certains Fullyérins téméraires auraient jadis retrouvés au pied des dévaloirs du Portail de Fully des scories d’or à moitié fondues, sans doute rejetées par quelques bouches de l’enfer, là haut…
La mine en question serait située sous Le Diabley, sommet rocheux qui sépare la cuvette de la Montagne de Fully de l’alpage de l’Au d’Alesses. C’est elle qui aurait donné leur surnom aux habitants de Dorénaz, appelés Les Diablerins et où l’on trouve un quartier appelé également Le Diabley. Elle aurait des ramifications jusque sous les Dents de Morcles au nord et jusqu’au Portail de Fully au sud.
De jour, l’activité souterraine des Diablats passe généralement inaperçue du fait de la clarté de l’astre solaire. Mais les habitants de Dorénaz et de Fully prétendent que certaines nuits très sombres, lorsque la lune est noire, on aperçoit parfois d’étranges lueurs sur les hauteurs qui dominent L’Au d’Allesse et dans la paroi striée de vertigineux ravins, sous le Portail de Fully. Certains chasseurs qui s’y seraient enhardis de nuit y auraient croisés d’étranges silhouettes malingres et décharnées, aussi noires que mes ancêtres maures et sarrasins, avec des yeux qui rougeoient comme des braises dans l’obscurité! Et certaines nuits de grands vents et de tempête, on entend clairement de sourdes détonations secouer le cœur de la montagne, sans parler des caillasses que les Diablats déversent dans le précipice des dévaloirs à la faveur de la nuit et des blocs qui vous sifflent aux oreilles en rebondissant en tous sens contre les troncs des châtaigniers. Et lorsque là-haut, le Diable vidange périodiquement les citernes qu’il a fait aménager au cœur de la montagne, un bran d’eau important jaillit soudain de la montagne et se jette dans les pentes, provoquant des laves torrentielles qui couchent les arbres et qui arrivent parfois jusqu’en plaine, menaçant les villages de Fully.
Certains sceptiques, croyant à des balivernes de femmes saoûles, y sont même montés autrefois pour en avoir le cœur net. On ne sait ce qu’ils y ont vu car le problème, c’est qu’ils ne sont jamais redescendus, engloutis par la nuit ou par quelques maléfices pires encore ! Quant au Diable, il ne séjourne qu’occasionnellement au Diabley; il trône habituellement sur les Diablerets où il se tient retranché sur la montagne, dans sa gigantesque forteresse de pierre et de glace, dissimulé par le blizzard, le brouillard ou la pluie, hantant les pentes qui surplombent la cuvette de Derborence… Mais cela, c’est une autre histoire que je vous conterai une autre fois !