Connu sous le nom de Grand Harle, Harle Bièvre ou Grand bec-scie, cet imposant palmipède est un des plus élégants canards plongeurs qui se côtoient dans les étendues d’eau douces et claires blotties au pied des Alpes.
Mis sous protection, ces grands amateurs de poissons, peureux et farouches se sont habitués à la présence humaine, ne dédaignant pas le pain que leur lancent les promeneurs au bord du Lac Léman. Celui-ci a joué un rôle primordial dans l’installation de l’espèce qui a colonisé les gouilles du Bas-Valais. Le mâle se dandine tranquillement : une jolie tête d’un vert sombre et brillant, une huppe gominée peu marquée, un long bec rouge foncé, fin et crochu…. Sa tenue nuptiale où le noir et le blanc se mêlent harmonieusement est impeccable. Au printemps, le bas du cou, la poitrine et le ventre se teintent d’un rose saumon dont l’intensité dépend du régime alimentaire. Plus discrète, la femelle arbore un ventre blanc, un dos gris et une tête rousse. Son épaisse crinière flotte au vent, se dresse, s’ébouriffe. Plus elle est décoiffée, plus elle a du charme. Entre décollages, atterrissages et séances de nettoyage, ces piscivores continuellement affamés se concentrent, en hiver, sur des rivières, de larges fleuves, des étangs épargnés partiellement par le gel et abondamment poissonneux. Les parades ponctuées d’étranges cris nasillards débutent en novembre pour se poursuivre jusqu’en mai.
Excellent nageur, le Harle utilise une technique de pêche efficace. Tête sous l’eau, queue en l’air, il repère sa proie avant de plonger et de s’immerger complètement. Se propulsant à l’aide de ses doigts palmés, il attrape en général une petite truite très glissante, la maintient solidement grâce à son bec muni de dentelures et la ramène à la surface où il l’avale tête la première. Il se nourrit aussi d’amphibiens, d’invertébrés et de plantes aquatiques si la pêche est mauvaise. C’est sous des branches surplombant l’eau ou sur de gros rochers qu’il se repose, indifférent aux déplacements des Colvert avec qui il cohabite sans problème. Dans son coin, un Grèbe Jougris au plumage gris brun plutôt terne tente d’ingurgiter un poisson frétillant qui lui donne du fil à retordre. Incapable de digérer rapidement les arêtes, il arrache et avale de grandes quantités de ses propres plumes pour les envelopper et les bloquer dans son estomac.
Finie la pause pour le Harle ! Tête et cou tendus vers l’avant, il prend son élan en courant sur la surface de l’eau. Battements d’ailes rapides et puissants …. Il décolle en soulevant des gerbes de gouttelettes. Un petit tour de la gouille, un second… il a repéré quelque chose. Il atterrit, étendant majestueusement sa voilure et procède à un atterrissage spectaculaire sur ses beaux doigts lobés.