Un vent automnal souffle sur la vallée, emportant au passage quelques rares aiguilles de mélèzes. Tout est encore bien vert pour un mois de septembre, à peine les hautes herbes jaunissent-elles, donnant un contraste étonnant aux paysages montagneux. Les températures sont clémentes et ne laissent aucunement présager l’arrivée de l’automne. Une sorte d’été indien qui profite à la flore et à la faune, heureux de la chaleur et des rayons de soleil qui baignent encore les sommets.
Sur ce petit sentier au milieu de la forêt, des chants d’oiseaux m’accompagnent. Le bruissement, au loin, d’un écureuil qui fuit attire mon attention. Il est déjà dans les sapins, se cachant dans les branches fournies, son joli museau guettant ma présence. Il se prépare gentiment à l’arrivée des grands froids, faisant ses réserves pour ne manquer de rien pendant son hibernation. Le petit étourdi oublie fréquemment les endroits où il a caché ses provisions mais il finit toujours par s’en sortir. Un ruisseau coule dans un petit creux de montagne, débordant par endroit sur le chemin et transformant la terre en boue. Des odeurs variées embaument l’air, un doux mélange de senteurs alliant le mélèze et les effluves de la montagne, fraîches et revigorantes.
Le silence règne sur les cimes en cette fin d’après-midi. D’ici peu, un certain chant amoureux, guttural, profond viendra le troubler : le brame du cerf. Les biches attendent l’arrivée de leurs prétendants qui leur feront assidûment la cour durant les prochaines semaines. Les mâles se battront violemment pour conquérir ces demoiselles, avec l’espoir fou de les voir leur céder. Une période envoûtante, magique que j’attends impatiemment de longs mois durant. Avoir l’occasion de croiser enfin les fantômes de nos forêts, d’entendre leurs bois s’entrechoquer et de me fondre dans leur bal amoureux, une aventure exceptionnelle qui m’emporte littéralement chaque automne.
Quelques jours auparavant, j’avais croisé, sur les lieux, un jeune cerf 8 cors fuyant avec une petite harde de biches. Ces messieurs seraient donc gentiment mais sûrement en chemin pour rejoindre la place de brame, me laissant dans l’expectative. Cet après-midi, je reviens au même endroit avec l’espoir de pouvoir photographier ce premier arrivant. A l’approche de mon affût de la veille, je constate que les biches sont déjà là. Il me faut ramper à l’abri d’une petite cuvette pour tenter d’accéder à mon petit coin sans me faire repérer. Cela me prend quelques minutes, j’avance prudemment, guettant la vieille biche en charge de la surveillance de la harde. Elle scrute les environs, attentive et sur ses gardes à chaque instant. Un seul regard de sa part et la petite troupe partira au galop, mettant fin à tous mes espoirs.