Une fois installée à peu près confortablement, en chien de fusil dans un creux de mélèze, l’attente et l’observation commencent. Les biches paissent tranquillement, baignées par les derniers rayons de soleil. Des faons se joignent à elles, un daguet passe au loin ; c’est une jolie harde. Mais pas question d’appuyer sur le déclencheur ; vu la proximité, je serais immédiatement confondue ! A un moment, un bruit de bois qui s’entrechoquent me parvient. Il m’est impossible d’en deviner la provenance mais je me mets à rêver à un possible affrontement entre 2 mâles, bien que les hostilités n’aient pas encore débuté. Je me réjouis à l’idée que mon 8 cors soit avec la harde, peut-être me fera-t-il le plaisir de passer à portée de mon objectif…
Au bout d’une quinzaine de minutes, je vois un petit sapin se faire violemment bousculer à une trentaine de mètres, des bois dépassent soudain. Mon cœur bat la chamade, il est là mon premier mâle de la saison ! Sa tête avance doucement et émerge petit à petit des branches. Il se penche et frotte frénétiquement le sol de ses bois. Lorsque je me mets à compter ses cors, un immense choc m’envahit : j’en compte déjà 5 sur l’empaumure (sommet des bois qui forment un « bouquet » ) ! Mon Dieu, il ne s’agit pas de mon petit 8 cors mais…d’un immense 16 cors, un trophée sans pareil, un bolide comme je l’appelle affectueusement ! 2 ans que je rêvais de le croiser au détour d’un sentier ou sur les pâturages verdoyants, fascinée par les récits de ceux l’ayant observé. Mais il était resté au registre du fantasme, mes prières et ma persévérance n’ayant jamais abouti à une rencontre.
Il s’avance et disparaît derrière un gros mélèze, m’empêchant de le voir et de le photographier. Les minutes s’écoulent mais plus aucun signe de lui. Avec une infinie prudence, je réussis à basculer légèrement sur le côté droit. Et là, ce gros gaillard m’apparaît à nouveau ; il est allongé de tout son long, dormant dans les hautes herbes jaunies, les yeux fermés. Il relève alors le haut du corps, montrant son cou et ses bois imposants. Il observe les alentours, guettant la présence de potentiels adversaires. Puis il se lève, dévoilant son gabarit impressionnant qui force le respect et me remplit d’émotion. Il est soudain prit d’une excitation qui le pousse à s’acharner sur les hautes herbes, arrachant celles-ci de ses bois. Il brame même mais…sans le son, une attitude rare à observer ! Malheureusement, il est masqué par les troncs et les branches, rendant la prise de vue très difficile. L’observation est donc la seule possibilité qui m’est offerte, mes supplications silencieuses l’exhortant à se déplacer à terrain découvert pour pouvoir enfin l’admirer et l’immortaliser…