Des trombes d’eau se déversent sur la vallée en cette fin d’après-midi. Un déluge qui noie tout sur son passage, gonflant lourdement les ruisseaux et cours d’eau. La colère des cieux s’abat sur les hautes cimes valaisannes, les nuages crachent puissamment leurs larmes. Une vision apocalyptique que je n’avais pas prévue, la météo annoncée paraissant plus clémente sur le papier. A mon arrivée, je suis donc confrontée aux pires conditions, celles que redoute tout photographe animalier. Et maintenant, que faire ? Attendre ? Abandonner ? Je consulte activement les différents sites de météorologie, il semblerait que ce coup de folie de la nature connaisse une accalmie dans les prochaines heures. Je me gare dans un coin de forêt, écoutant les gouttes se fracasser à un rythme effréné sur le pare-brise. Les minutes passent, le bruit me berce mais le ciel menaçant ne me donne guère d’illusion.
Je me saisis de mes jumelles et je me mets à observer le versant opposé. Si je ne peux photographier quoique ce soit aujourd’hui, autant que cette sortie me serve à repérer les passages de mes sujets, les bons coins qui me serviront dans mes futures excursions. Mes yeux balaient chaque recoin : les prairies, les pierriers, les petits vallons. Tel un prédateur, je cherche à détecter le moindre mouvement, guettant ma « proie » avec obstination. Il est 17h, l’heure où les animaux sortent prudemment de leur cachette diurne pour aller paître dans les vertes prairies. En ce mois de juillet, les températures sont clémentes et la végétation dense et variée.
Au bout d’une dizaine de minutes, au milieu d’une prairie, je décroche le St-Graal : 4 cerfs mâles paissent tranquillement. Je n’en crois pas mes yeux, je les cherche depuis des semaines, des heures d’affût par dizaine sans jamais avoir réussi à immortaliser ces beaux messieurs. Leurs bois ont repoussé et sont recouverts de velours qu’ils perdront très prochainement. Ma passion depuis toute gamine, une fascination qu’aucun autre animal n’a jamais réussi à égaler. Ils sont là, devant mes yeux, je les tiens ! Mais il y a un souci de taille : cet endroit est très difficilement accessible ; ça n’est d’ailleurs pas pour rien qu’ils se trouvent là, les bipèdes ne s’y aventurent jamais. En effet, le versant est très abrupt, vraiment peu engageant et la pluie continue de se déverser avec fureur. Mais ne dit-on pas que rien n’est plus fort que la passion ?
Il ne faut que quelques secondes pour que celle-ci l’emporte sur la raison, elle a tout balayé tel l’ouragan de pluie. Je me stationne sur un chemin au bas du versant et, en quelques minutes, me voilà affublée de tout mon matériel (habits de camouflage, appareil, objectif, sac et trépied), en partance pour la prairie.